Sacrifice et sexe féminin
On a fait des sacrifices humains pour apprivoiser la peur que le corps féminin produit sur nos consciences. Le corps féminin semble être propice à la pénétration. Avec la pénétration, l’esprit pense se soulager de la peur de l’inconnu et de la mort. L’inconnu et la mort sont pour les consciences deux gouffres, deux abîmes qui nous appellent, nous happent et où on ne peut faire que se jeter, un jour. On aimerait croire que la pénétration colmate le trou, et cela vaut aussi bien pour l’homme que pour la femme. Mais pour que cela soit vraiment efficace, il faudrait que le trou, le gouffre, la vulve, puissent être vraiment bouchés. Or, ne peut être bouché que ce qui a une forme définie. Dans l’amour charnel, le sexe féminin est visuellement comme une avalanche de feuilles délicates, et quand la jouissance le remplit, cela crée des volutes où les feuilles se soulèvent, gonflent et roulent comme des vagues. Ce mouvement maritime de la vulve montre qu’en réalité elle est infinie. Et que donc rien ne peut la boucher. Et cela fait peur.
Le sacrifice humain est une ouverture artificiellement créée dans la collectivité, une ouverture vers le haut ou vers le bas. Que ce soit céleste ou tellurique, dans le fond peu importe. Mais c’est un trou qui peut être colmaté. Une personne est retranchée de la collectivité. Momentanément, et juste avant sa mort, lui est conféré un statut particulier : le statut de victime, ce qui la sanctifie. C’est ce que dit Georges Bataille, car sa mort la retire du règne de l’utile et c’est dans ce retrait de l’utile, avec la violence de la rupture provenant de cet immense détachement, que se forme l’ouverture vers la divinité. La victime sacrificielle forme un trou. Elle tient en quelque sorte le rôle du sexe féminin. Mais un sexe féminin qui est aussi phallique. Car le trou que la victime ouvre dans la collectivité humaine devient un phallus au moment de sa mort. Quand elle est mise à mort, elle pénètre le divin.
De nos jours, le recours au sacrificiel ne se pratique plus par la mise à mort effective mais par une mise à l’écart social et symbolique. Tant que les humains – hommes et femmes – auront peur de l’infini féminin, les sociétés s’adonneront à ces pratiques rédhibitoires et dépassées et ce, même sous couvert de « progressisme ».